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2012 Le producteur de bonheur

Dernier ajout : 7 mai 2012.

Présentation du Producteur de bonheur de Vladimir Minac
et de son adaptation théâtrale
Vladimir Minac (1922-1996) est un des écrivains slovaques les plus importants de sa
génération. S’il est l’auteur d’une série de romans aux conceptions très réalistes – Hemingway
est son grand modèle –, Le producteur de bonheur, son chef-d’œuvre, publié en 1964 et par
lequel il clôture son œuvre romanesque (par la suite, il n’écrira plus que des essais), est de
facture très différente. J’ai eu le plaisir, il y a quelques années, de le traduire avec Maja
Polackova et de vérifier ainsi, pas à pas, la beauté et l’efficacité narrative de son écriture
1
.
Il s’agit d’un texte d’une fantaisie débridée, jouant sur toute la gamme du burlesque et qui
raconte les aventures de Frantichek Oïbaba, que Minac surnomme « le producteur de
bonheur ». Autrement dit, un arnaqueur au verbe haut et bien assuré, un combinard prêt à
toutes les audaces et toutes les falsifications, séducteur de toute veuve et de toute orpheline,
surtout s’il y trouve avantage, mais qui, en fin de compte, se révèle être surtout un inlassable
bâtisseur d’entreprises plus fumeuses les unes que les autres …
Jamais sans doute portrait de ce type de personnage n’a été dressé de façon si remarquable.
Jusqu’à le rendre à l’évidence sympathique, quelles ques soient les embrouilles dans
lesquelles il s’engage. Ou grâce, sans doute, à ces embrouilles ; celles-ci sont si énormes, si
cocasses, si magnifiquement invraisemblables, qu’on ne peut éprouver que de l’empathie pour
celui qui les organise. Qu’elles se passent dans la Slovaquie communiste du début des années
soixante y ajoute à l’évidence une dimension supplémentaire : entre la morosité de la société
bureaucratique générée par le régime, où toute initiative a disparu, et l’énergumène cherchant
son profit par tous les moyens frauduleux mais ne montant des coups foireux, le contraste et
l’opposition sautent aux yeux. Au point que Frantichek Oïbaba apparaît presque comme un
don Quichotte à l’envers – rien d’idéaliste chez lui, son seul désir est de s’enrichir – parti à
l’assaut d’un monde coercitif et uniformément gris.
« Tenter sa chance ! Et qu’est-ce que cela veut dire, tenter sa chance ? Ça veut dire sortir du
rang. Rêver à un destin unique. Tout qui marche dans un régiment veut en sortir », déclare le
producteur de bonheur au début du roman. Voilà l’entrepreneur en escroqueries toutes
catégories devenu porte-parole de la vertu d’individualisme et du droit à la liberté…
Qui dit don Quichotte, dit Sancho : si la trame narrative du roman est si efficace, c’est parce
que d’entrée de jeu Minac y double son héros d’un personnage qui sera à la fois son contraire
et son inséparable ; dès le premier chapitre, le producteur de bonheur entraîne, en effet, dans
ses aventures un candide garçon de café qu’il baptise Lapidus et qu’il considérera comme son
disciple, même si le disciple en question se montrera souvent obtus et rebelle. Ainsi se forme,
pour notre plus grand plaisir, un nouveau couple de maître et de valet, ce couple dont on
1Vladimir MINAC, Le producteur de bonheur, traduit du slovaque par Maja Polackova et Paul Emond,
Bruxelles, Editions Labor, 1994.

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